Créé en 2002 au cœur du Nebbiu, Barbara Furtuna parcourt aujourd’hui le monde. Des rives de la Méditerranée aux salles new-yorkaises, des villages haut perchés de Corse à la lointaine Asie, de collaborations avec l’ensemble baroque L’Arpeggiata ou le ténor Placido Domingo, avec les musiciens belges du Duo Belem ou les musiques anciennes de Constantinople, les quatre artistes font rayonner la langue corse loin de ses frontières. Ils lui confèrent ainsi un message universel de tolérance, une main tendue au-delà des différences.
Fidèles aux traditions de l’île, à ses valeurs et à son histoire, Jean-Philippe Guissani, Maxime Merlandi, Fabrice Andreani et André Dominici ont ouvert une voie artistique quasiment unique, refusant de se laisser enfermer dans les clichés et les répertoires stéréotypés.
Dans leur musique, travaillée et magnifiée dans chacune de ses sonorités, dans leurs textes, empruntés au répertoire classique ou nés de leur création et de leurs convictions, dont les mots ont été pesés dans leur moindre signification, jaillit l’absolue nécessité d’abolir les frontières, de faire s’ériger des passerelles là où nos sociétés, frileuses, bâtissent des murs.
« C’est la scène qui nous porte »
Un parcours rendu possible grâce à une exigence qui transparaît dans chacune de leur représentation ; un parcours rendu singulier surtout, grâce à une complicité qui a indéniablement, au fil des ans, cimenté le groupe et forgé son caractère.
Barbara Furtuna, au gré de ses 1200 concerts autour de la planète, n’a pas fait que s’installer dans le paysage musical mais a consolidé sa propre relation à son art et à son public. « Nous sommes un groupe de scène, revendique Jean-Philippe Guissani, notre public est varié, éclectique, nous nous adressons à une large audience, au-delà des générations et des nationalités. Encore aujourd’hui, c’est la scène qui nous porte. »
Ce don à l’autre explique certainement la belle longévité du groupe qui a su résister à pas mal d’écueils. Complicité, patience, écoute, amitié semblent guider les quatre hommes aussi bien dans leur vie que dans leur répertoire. Un répertoire souvent interprété a capella et qui exige pour cela que l’on évolue en pleine lumière, sans craindre le regard de l’autre. « Savoir s’écouter chanter sous-tend que l’on sache s’écouter parler. Travailler a capella implique que l’on se mette à nu, que l’on se dévoile, il n’y a pas d’artifices possibles. »
Artisans et orfèvres de leur destinée et de leurs chants, les quatre de Barbara Furtuna ont choisi le mouvement, physique et spirituel, pour s’inscrire, définitivement, dans la réalité et la modernité de notre siècle.
Un ancrage que l’on retrouve dans leur quatrième album, D’anima, et ses 11 titres qui nous transportent au cœur même de la diversité du groupe : Un Ghjornu et Lamentu di u Castagnu, sculptés sur un matériau plus traditionnel, viennent pourtant donner naissance à des chants surprenants, emplis de fougue et de vivacité et in fine d’une incroyable contemporanéité.
Maria, Si vita si, Incantesimu et Quantu Volte sont proposées ici dans une interprétation et une orchestration nouvelle et totalement retravaillée.
Une tonalité audacieuse qui se manifeste également dans Mare Nostrum, terriblement d’actualité, et l’intemporel Goccia a Goccia, petite goutte d’espoir à laquelle le groupe donne toute sa densité ou encore Ti dicerà, ode magnifique à la vie et à ses beautés.
De bout en bout, D’anima offre une kyrielle de couleurs, de tons et de sonorités nouvelles et flamboyantes, un « cadeau » qui est l’aboutissement de quinze années de passion et de travail.
« Le monde est tel que nous avons envie de le construire »
« Nous pouvons agir et en finir avec une vision à court terme, résument-ils. Le monde est tel que nous avons envie de le construire et non plus tel que nous le subissons. »
De cette philosophie, est née l’essence même de Barbara Furtuna dont le nom s’il renvoie à la « cruelle destinée » de ceux qui ont été contraints à l’exil, voire à l’errance loin de leur île natale, est ici synonyme d’échanges et de partages. « L’identité est vécue aujourd’hui comme une question qui oppose. Nous, nous pensons que l’identité est surtout un moyen de communiquer avec les autres ».
Mais alors, peut-on considérer que l’on puisse aujourd’hui porter un message universel, tout en gardant intacte sa propre identité ? Dans cet opus comme dans ses rencontres, ses voyages, ses tournées, les salles de concert traversées, il semblerait que Barbara Furtuna nous en apporte, une nouvelle fois, l’éclatante démonstration.